Ghjacintu PAOLI et l’honneur de Speloncato
Nous sommes alors en Octobre 1729, la révolte éclate dans le village de Bustanico et s’étend rapidement. Malgré les terribles répressions génoises, la rébellion des corses s’organise, et le 22 Décembre 1730, la consulte de Furiani élit deux chefs nationaux: Andrea CECCALDI et Luigi GIAFFERI. Après de nombreuses démarches, ils obtiennent de l’empereur d’Autriche, Charles VI, un corps expéditionnaire qui débarque en Août 1731. Le 2 Février 1732, les génois subissent à Calenzana une lourde défaite. Au mois de Mai de cette même année, un traité de paix est signé à Corté. Gènes s’empresse de violer ce traité en jetant en prison cinq des chefs principaux de la nation.
Une seconde insurrection éclate le 17 Novembre 1733. Ghjacintu PAOLI, Luigi GIAFFERI et Andrea CECCALDI sont nommés « Primats » pour la direction collective de leur pays, alors proclamé indépendant.
Gènes répond par un blocus. L’île tente de vivre en autarcie, mais les armes et les munitions manquent terriblement. C’est alors que survient Théodore de Neuhoff; grand aventurier, il rencontre à Livourne quelques exilés corses qui lui relatent la situation vis à vis de Gènes… Il arrive à Aléria le 12 Mars 1736 sur un bateau rempli d’or, de blé et d’armes; il fait figure de libérateur, et est élu roi de la Corse sous le nom de Théodore Ier. Le 15 Mai, la cérémonie d’investiture a lieu au couvent d’Alesani. Fort de ce nouveau pouvoir, il réorganise l’administration, dresse un plan d’économie et distribue charges et titres.
C’est donc en 1736, que Ghjacintu PAOLI, et Théodore Ier foulèrent le sol de Speloncatu. En Juillet de cette année, à une période du règne de Théodore Ier où des trahisons se fomentaient, le roi brouilla les pistes durant une traversée de la Balagne, et fit un passage au couvent des Capucins. Une partie des plans tramés contre lui fut déjouée à Speloncatu. Sébastien COSTA raconte dans ses mémoires: Théodore « résolut de se rendre au couvent de Speloncatu, pour mieux déjouer les plans des conjurés et, en tout cas pour leur rendre l’attentat presque impossible. En effet, outre que le couvent lui-même se prêtait fort bien à être défendu, l’assaut ne pouvait être tenté que d’un seul côté, ce village étant situé aux derniers confins de la province et protégé sur ses flancs par des monts escarpés. « Quand il « fut à Speloncatu, MM PAOLI « (Ghjacintu) », GIAPPICONI, MARI avec d’autres sujets », qui l’avaient précédé la veille au village « se présentèrent au roi et l’adjurèrent de ne pas s’attarder là, s’il désirait sauver la vie de sa royale personne, et celle de ses partisans, car ils craignaient d’y être assaillis et surpris par les peuples en mouvement, qui ne manqueraient pas de les attaquer. » Théodore refusa, et ils partirent « oublieux de leur honneur et de leur devoir de fidélité. »
Le même soir, quelques chefs des conjurés arrivèrent au couvent, et après avoir rencontré le roi, allèrent chercher du renfort au village. « Ils quittèrent le couvent et commencèrent à s’entretenir en secret avec quelques-uns des principaux du village, leur révélant qu’ils voulaient arrêter le roi, pour le bien commun… » Piqués dans leur honneur, ces derniers s’offusquèrent: « Comment dirent-ils, il n’y avait pas un autre village de Balagne pour arrêter le Prince et le livrer aux Génois?…Et maintenant pour flétrir Speloncatu d’une éternelle infamie, c’est ici que vous voulez mener à terme le complot que vous avez tramé? Cela ne sera pas. La bataille sera entre vous et nous. » Les intervenants se quittèrent confus, mais l’un des membres du village se rendit au couvent pour avertir le roi. Celui-ci sourit et fit mine de ne rien craindre.
Il quitta cependant les lieux vers 2 heures du matin, échappant ainsi aux conjurés.
Références bibliographiques :
« Mémoires de Sébastien COSTA – 1732-1736
Tome II – p. 473 à 487 »